"Le Changement, c'est maintenant"
Je suis candidat à l’élection
présidentielle pour redonner à la France l’espoir qu’elle a perdu depuis
trop d’années. Les Français souffrent. Ils souffrent dans leurs vies :
le chômage est au plus haut parce que la croissance est au plus bas ; la
hausse des prix et des taxes ampute leur pouvoir d’achat ; l’insécurité
est partout ; leurs emplois s’en vont au gré des fermetures d’usines et
des délocalisations industrielles ; l’école, l’hôpital sont attaqués et
n’assurent plus l’égalité entre citoyens ; l’avenir semble bouché pour
eux et pour leurs enfants ; la jeunesse se désespère d’être maintenue en
lisière de la société. Les Français souffrent aussi dans leur âme
collective : la République leur paraît méprisée dans ses valeurs comme
dans le fonctionnement de ses institutions, le pacte social qui les unit
est attaqué, le rayonnement de leur pays est atteint et ils voient avec
colère la France abaissée, affaiblie, abîmée, «dégradée».
La dépression économique est là, l’angoisse sociale est partout, la
confiance nulle part. J’affirme avec netteté où se situent les
responsabilités. Certes, depuis 2008, il y a la crise. Elle est le
produit de la mondialisation débridée, de l’arrogance et de la cupidité
des élites financières, du libéralisme effréné, sans oublier
l’incapacité des dirigeants européens à dominer la spéculation. Il y a
surtout les politiques injustes et stériles menées depuis dix ans, les
fautes économiques et morales de ce dernier quinquennat. Il y a donc la
responsabilité personnelle de celui qui est au sommet de l’Etat depuis
cinq ans.
Un mandat se juge sur ses résultats, une politique sur sa cohérence,
un caractère sur sa constance. Comme les choses seraient faciles si
l’échec devenait une excuse, si l’expérience - même malheureuse -
devenait une justification opportune de poursuivre et l’abandon des
promesses, une preuve de courage ! Et pourtant, telle est l’ultime
contorsion tentée par le président sortant : incapable de trouver une
issue à la crise de la zone euro après seize «sommets de la dernière
chance» en à peine deux ans, il voudrait qu’on lui laisse encore le
temps d’y porter remède, sans qu’il nous indique - hormis la rédaction
d’un nouveau traité européen - ce qui serait de nature à le voir réussir
là où il a échoué. Impuissant face à la montée du chômage, le voilà qui
convoque une ultime réunion avec les partenaires sociaux pour nous dire
qu’il faut traiter avec plus de considération les demandeurs d’emploi.
Indifférent aux creusements des inégalités après avoir multiplié les
indulgences aux plus fortunés, il annonce, comme pour retrouver une
soudaine vertu, qu’il taxera les transactions financières sans nous
préciser quand - et comment le pourrait-il dès lors que la décision lui
échappe dans son exécution ?
La mystification est grossière. Je ne la sous-estime pourtant pas.
Une campagne électorale est un moment particulier, où bien des choses
peuvent être dites, bien des mensonges proférés, bien des paradoxes
présentés comme des vérités de bon sens. J’entends déjà les lieutenants
paniqués de Nicolas Sarkozy prétendre que dans la tempête il ne serait
pas sage de changer le capitaine. Ce qui prête à sourire quand le navire
s’est échoué. Et bientôt, il ne lui restera plus qu’à proclamer qu’il a
changé, que les événements l’ont changé, que la fonction l’a changé,
que l’échec l’a changé… Posons d’ores et déjà la bonne question à ce
sujet : plutôt que de reconduire un président qui aurait tellement
changé, pourquoi ne pas changer de président, tout simplement ?
C’est cette responsabilité qui m’incombe. Celle de permettre le
changement. Un vrai changement. Ce n’est pas ici le lieu d’analyser ce
qu’aura été ce quinquennat. Disons simplement que ces cinq années auront
été la présidence de la parole et, lui, le président des privilégiés.
Voilà la page que je veux tourner. Je mesure la difficulté de la tâche
qui m’attend si vous m’accordez votre confiance. Le redressement de nos
comptes publics comme celui de notre appareil productif sera long. La
reconquête de notre souveraineté financière exigera des efforts
considérables et surtout de la justice. Le retour de la confiance
appellera une politique qui mobilisera les Français autour de l’avenir :
l’éducation, la recherche, la culture, la transition énergétique et
écologique.
Je sais aussi nos atouts. Nous sommes un grand pays disposant
d’immenses savoir-faire, de remarquables entreprises, d’une recherche
féconde, de services publics de grande qualité, d’une démographie
dynamique, d’une épargne abondante, d’un attachement profond aux valeurs
de la République. Nos ouvriers, nos techniciens, nos ingénieurs, nos
chercheurs, nos savants, nos fonctionnaires sont parmi les meilleurs du
monde. La productivité de notre travail est une des plus élevées de
toutes les économies développées. Notre vie intellectuelle et artistique
demeure une des plus riches et suscite toujours l’admiration des
peuples.
Cent dix jours nous séparent du premier tour de l’élection
présidentielle. Ce scrutin interviendra dans un contexte que rarement
notre pays aura connu depuis le début de la Ve République. La
France a pourtant traversé bien des épreuves en un demi-siècle : des
crises économiques, de graves mouvements sociaux, de véritables ruptures
civiques aussi. Mais en 2012 le choix que vous aurez à faire sera
décisif. Décisif, il le sera pour vous, pour vos enfants, pour l’avenir
de votre patrie, pour l’Europe aussi, qui attend et espère entendre à
nouveau la voix de la France, une France dont elle a besoin pour
retrouver un projet et un destin.
Pour la première fois depuis longtemps dans notre histoire nationale,
ce choix dépassera, et de loin, les seules questions politiques et
partisanes. Comme en 1981, comme en 1958, ce qui est en jeu dans cette
élection et dans le choix que feront les Français, c’est plus que la
seule élection d’un président, plus que la désignation d’une majorité,
plus que l’orientation d’une politique : c’est l’indispensable
redressement de la Nation. Ce redressement est possible. Pour le
réussir, quatre principes m’inspireront.
La vérité : je ne serai pas le président qui viendra devant vous six
mois après son élection pour vous annoncer qu’il doit changer de cap,
qui reniera ses promesses faisant mine de découvrir que les caisses sont
vides. Les Français sont lucides, ils savent que nous aurons besoin de
temps, qu’il faudra faire des efforts à condition qu’ils soient partagés
; mais ils préfèrent des engagements forts sur l’essentiel à un
catalogue de propositions.
La volonté : il en faudra pour rétablir les comptes publics, pour
relancer la croissance, pour soutenir les emplois. Il en faudra pour
redonner confiance aux entrepreneurs, aux salariés, aux fonctionnaires,
aux chercheurs. Il en faudra pour réduire les inégalités, répartir
différemment les richesses. Il en faudra aussi pour réussir la
transition énergétique. Il en faudra surtout pour maîtriser la finance.
La justice : la justice, c’est un impôt équitablement réparti selon
les capacités de chacun. La justice, c’est une société qui ne tolère
aucun privilège. La justice, c’est ne reconnaître que la seule valeur du
mérite. La justice, c’est une école qui accorde la même attention à
chaque enfant. La justice, ce sont des soins accessibles à tous. La
justice, c’est de pouvoir vivre de son travail. La justice, c’est
pouvoir profiter d’un vrai repos après des années de labeur. La justice,
c’est vivre en paix et en sécurité partout. La justice, c’est une
société qui fait sa place à sa jeunesse.
L’espérance : je veux retrouver le rêve français. Celui qui permet à
la génération qui vient de mieux vivre que la nôtre. Celui qui transmet
le flambeau du progrès à la jeunesse impatiente, celui qui donne à la
Nation sa fierté d’avancer, de dépasser ses intérêts et ses catégories
d’âge et de classes pour se donner un destin commun, qui nous élève et
nous rassemble. Cette espérance n’est pas vaine. Elle est le fil qui
renoue le récit républicain.
Je sais que beaucoup d’entre vous se demandent si notre pays a encore
le choix de son destin ou s’il est condamné à appliquer un programme
décidé ailleurs ou dicté par les marchés financiers. Beaucoup doutent de
notre capacité collective à décider de notre avenir, et de notre
liberté de nous mettre en mouvement selon nos valeurs et notre modèle
social. Beaucoup s’interrogent sur la réalité de notre souveraineté. A
tous ces Français, je veux dire : oui, nous pouvons, même dans une
économie mondialisée, maîtriser notre destin. Nous le pouvons en
comptant d’abord sur nos propres forces, et en agissant au niveau de
l’Europe, à condition que celle-ci soit réorientée. Ce sera une des
responsabilités principales du prochain chef de l’Etat. Nous sommes
capables de nous dépasser chaque fois que nous nous mobilisons sur une
cause qui nous rend fiers. La France est un grand peuple, capable du
meilleur s’il retrouve la confiance en lui, la confiance en l’Etat et en
celui qui l’incarne.
Je veux aussi combattre ce scepticisme qui mine la démocratie, lever
ce doute qui ronge les esprits quant à notre capacité à vivre ensemble.
Je veux rappeler que la gauche et la droite, ce n’est pas la même chose.
Il peut y avoir des défis incontournables. Il n’y a jamais une seule
politique possible pour les relever. Le prétendre est un leurre ; pire,
un mensonge. L’élection présidentielle qui vient sera le moment de la
confrontation démocratique, celles des idées, des projets, des visions
de la France et de l’Europe, des femmes et des hommes aussi. Je n’ignore
rien des tentations d’électeurs souvent issus des classes populaires
pour l’extrême droite. Ma campagne sera aussi tournée vers eux. Je leur
parlerai net. J’entends leur colère et leur désarroi. Et je leur
démontrerai que l’extrémisme, outre qu’il n’apporterait aucune solution à
leurs difficultés, n’est pas digne des valeurs de notre pays. Plus que
l’irréalisme des positions économiques du Front national ou l’illusion
d’un repli derrière des barrières devenues des barbelés, c’est la
violence sociale et la vindicte ethniciste qui menaceraient la
République. C’est un des enjeux de ce scrutin.
Enfin, je respecte profondément toutes les candidatures de la gauche
comme celle des écologistes. Elles peuvent marquer des orientations,
affirmer des exigences, ouvrir des alternatives, susciter des débats,
mais ce n’est pas faire preuve d’une quelconque prétention hégémonique
que de penser qu’il sera difficile pour l’une d’entre elles d’être
présente au second tour. Dès lors, il me revient d’incarner l’alternance
et de permettre le changement. Rien n’est acquis. Beaucoup va dépendre
de la gauche, de son esprit de responsabilité, de son courage, de sa
cohérence, de son audace. Mais aussi de la force de ma propre
candidature. J’aurai à affronter la droite accrochée à son pouvoir et
liée aux puissances de l’argent, je resterai proche de vous pour porter
une grande ambition collective : celle de renouer avec l’esprit de
justice et l’idée de progrès.
Comme il y a trente et un ans, avec François Mitterrand, si nous
savons nous en montrer dignes c’est vers nous que les Français vont se
tourner le printemps prochain. C’est vers moi qu’ils porteront leurs
suffrages et leur confiance, c’est à moi qu’ils confieront la
responsabilité de diriger le pays. J’y suis prêt.
François Hollande
via Libération
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